La Méditerranée marocaine

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Les éditions Maisonneuve & Larose viennent d’éditer une série de petits ouvrages remarquables,  » Les représentations de la Méditerranée « , qui font le portrait de cette mare nostrum à travers les regards croisés de tous les peuples qui l’entourent. Car cette mer aux flots bleus qui dansent dans nos yeux n’a pas le même sens, historiquement, psychologiquement, pour tous les pays riverains. Et c’est une image à la fois fragmentée et cohérente qui se dégage de cette série de textes courts et intelligents.
Première étape, géographiquement, de ce tour de la mer versant sud : le Maroc, dont la manière de voir est exprimée par deux écrivains contemporains, un romancier et un historien, tous deux professeurs à l’Université de Rabat, Mohamed Berrada et Abdelmajid Kaddouri.

Dès lors que l’on regarde la Mer Méditerranée à travers le prisme marocain, une première évidence se dégage : ce pays n’est pas tournée vers elle, elle ne le baigne pas tout entier, elle le coiffe tout juste sur sa façade nord. L’océan Atlantique est bien plus présent, que ce soit en termes de climat ou par la masse formidable qu’il incarne, falaises d’eau, tempêtes, réservoir de pluies attendues.

Mais cela ne veut pas dire que la Méditerranée n’existe pas : elle est l’antichambre des espaces différents du Nord… « Tandis que j’essaie d’expliquer mon inclination pour le bassin Méditerranéen, je repense à ce chemin intérieur, presque mythique, qui hante l’être intime de certains intellectuels et créateurs marocains : un chemin à double sens, avec un premier sens orienté vers le Sud et un deuxième vers le Nord. Le premier recèle un appel africain qui me renvoie à mes racines plantées dans les entrailles du continent Noir à l’histoire débrodante de répression, d’exploitation, de violence et de déchirements… Le deuxième recèle un appel vers  » l’ascension  » en direction d’un Nord dont mon œil ne peut apprécier l’étendue, quand mon imagination, elle, me le présente tel un espace sans limite, mine de toutes les bonnes surprises…  » (Mohamed Berrada)

C’est cette dimension d’expansion psychologique qui conduit le romancier à écrire que les populations du Maroc n’attendent pas seulement de leurs voisins méditerranéens des projets de partenariats économiques, mais aussi une aide réelle pour  » des productions artistiques et culturelles capables de soutenir la jeunesse dans son projet de sociétés meilleures, libérées du despotisme, de la tutelle et du culte du passé…  »

C’est avec beaucoup de finesse qu’Abdelmajid Kaddouri nuance et affine cette vision dans une perspective historique, mettant en évidence la multiplicité des  » imaginaires moracains  » autour de la Méditerranée, depuis celui des Oulémas jusqu’à celui du Makhzen, en passant par les représentations populaires… Car il est vrai que dans l’affrontement entre les deux rives de la Méditerranée, la mer fut d’abord et avant tout, pour les Marocains, le théâtre de combats navals, peuplé d’héroïsme et de tragédies, avec le souvenir pirates, puis des corsaires, et de la dangereuse domination des marines européennes, supplantant rapidement la course marocaine (il est amusant que sur ce point les perceptions soient inversées d’une rive à l’autre).

Il rappelle aussi cette idée toute simple : parce que leur religion prescrit aux Marocains de se tourner vers l’Est au moment de la prière, une image facile les représente  » tournant le dos à la mer  » -et en l’occurrence à l’Océan… Image d’un peuple essentiellement terrien et paysan, lié à sa terre, plutôt que marin et voyageur :  » la mer angoisse l’homme populaire puisqu’il ignore tout d’elle alors que la terre, son nid naturel, le rassure, ce qu’exprime l’adage marocain :  » Comment s’entendre avec la mer, faite d’eau, alors que l’homme est fait de terre ?  »

Le Roi Hassan II comparait son pays à un arbre, planté dans l’Afrique, au sud et à l’Est, et dont les feuilles et les fruits respirent les brises de la rive nord. C’est ainsi, nous dit l’historien, que le pays tout entier se vit, dans un élan vers le Nord qui ne lui fait pas oublier la solidité de son terreau. Et la modernité de Mohammed VI, sa familiarité avec l’Europe et les Etats-Unis, contribue à son tour à esquisser une nouvelle image mentale de la Méditerranée vue du Maroc, qui serait de plus en plus perçue comme un espace partagé, un bien commun, que chacun doit apprendre à envisager autrement, en remettant en cause ses réflexes innés… — Khaled Elraz — — Afrik.com


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